Dix bonnes raisons d’harmoniser en plume. 

   1 - Le son est plus beau. Un bec bien choisi et bien harmonisé produira un son plus chaleureux, plus séduisant qu’un bec en Delrin, même avec la meilleure harmonisation.
   2 - Le toucher est plus réactif. Le rachis d’une plume, c.à.d. la tige centrale dans laquelle le bec est taillé, a une résilience mécanique naturelle, qui lui donne du ressort. Ceci donne au bec une souplesse et une spontanéité que l’on ne peut pas obtenir du Delrin.
   3 - Le toucher est plus léger. Grâce à cette résilience naturelle, le pincement de la corde est plus léger qu’avec du Delrin, pour le même volume de son.
   4 - Les becs en plume ne vous lâcheront pas inopinément au milieu d’un concert. Ils ne casseront pas soudainement. Peut-être se fendront ils dans le sens de la longueur, ou s’affaibliront etc., mais cela arrivera progressivement , vous serez donc averti bien à l’avance.
   5 - Les becs en plume sont durables. S’ils sont taillés et entretenus correctement, ils dureront 10, 20 ans, voire beaucoup plus longtemps. Des becs fonctionnels ont été trouvés sur des instruments du 18ème siècle !
   6 - Les becs en plume ne sont pas difficiles à tailler ni harmoniser. C’est juste une question de coup de main, de bistouri bien affuté (en fait, tout comme pour le Delrin), et un petit peu plus de temps.
   7 - La plume est un matériau historique. Si vous vous faites faire un instrument avec tous les matériaux historiquement corrects, cordé avec des cordes historiquement correctes, alors, harmoniser avec tout autre matériau que la plume n’a aucun sens.
   8 - Pas besoin de nombreuses plumes. Trois bonnes plumes suffisent amplement pour harmoniser cinq octaves, et de quoi tailler des becs de rechange.
   9 - La force du pincement est adaptée à la fréquence de la note. La partie étroite du rachis est utilisée dans l’aigu ou le 4’, la partie médiane pour le milieu, et la partie la plus épaisse, près du calamus, pour les basses. Ainsi, la tension exercée lors du pincement est proportionnelle à la résistance naturelle du plectre.
10 - Le son est tellement plus beau ! Pour l'interprète autant que pour le public.

Bon, cela semble parfait ! Alors, pourquoi même penser à utiliser autre chose que de la plume ?
Bien sûr, il est aussi vrai qu’il y a quelques désavantages. Mais je tenais à lister et décrire les qualités des becs en plume : en effet, le Delrin est tant utilisé de nos jours que les qualités spécifiques et précieuses de la plume ont tendance à être oubliées.

Le choix des plumes
Il est très difficile de se procurer de bonnes plumes.
Pour chaque oiseau, très peu de plumes sont vraiment bonnes : les rémiges primaires, parmi les pennes des ailes. Les rémiges primaires sont les plumes les plus longues et les plus rigides, celles qui sont fixées sur la main de l’oiseau. Elles ont la particularité d’avoir un rachis assez plat, de la forme idéale pour pincer une corde. Les rémiges secondaires sont moins rigides et ont un rachis plutôt arrondi : des becs taillés dans celui-ci seront moins durables, avec moins d’amplitude du son (peut-être cela contribue-t-il à la mauvaise réputation des becs en plume). A mon avis, les rémiges secondaires ne devraient pas être utilisées pour l’harmonisation de clavecins.
De plus, les plumes doivent provenir d’oiseaux en bonne santé. Ils doivent avoir une alimentation saine, et être en bonne forme physique. Des oiseaux de batterie, même bien nourris, auront des plumes trop faibles pour cet usage.
Finalement, les oiseaux noirs sont préférables : la mélanine n’est pas juste un pigment, elle contribue aussi à la résilience mécanique.
Les dindes noires élevées en plein air ont des rémiges primaires d’excellente qualité. Côté nature, les grands corbeaux et les vautours sont aussi excellents, avec un peu de chance on peut en glaner quelques plumes (attention, ce sont des espèces protégées).

L’environnement du clavecin
Malheureusement, les becs en plume sont plus sensibles aux conditions environnementales, en particulier l’humidité relative. Un environnement humide aura tendance à amollir les becs, et une sécheresse excessive à les durcir. Les becs en plume sont également plus sensibles à la poussière, qui peut aussi les durcir. Rien de tout cela n’est irrémédiable, il est souvent suffisant d’essuyer le bec entre les doigts. Mais c’est un peu plus de travail. Quoique, bien sûr, le meilleur entretien est … de jouer l’instrument régulièrement !

Conclusion
Vous l’aurez bien compris, mon opinion personnelle est de préférer une harmonisation en plume si possible. Toutefois, le Delrin est très utile, en particulier pour les instruments soumis à des variations de taux d’humidité, ou qui ne peuvent être révisés régulièrement. Des instruments d’étude joués par un grand nombre d’utilisateurs, comme dans les écoles de musique, peuvent aussi bénéficier d’une harmonisation en Delrin.

ligne de plumes